Michel Monet
Maire de Garchizy depuis 2014
Qu’est-ce qu’être maire en 2023 ?
Être maire en 2023 ? Répondons d’abord à la question suivante : quelle est la taille de la commune à administrer ? En effet, la charge de travail et la diversité des tâches dépendent beaucoup de la réponse à cette question.
Le maire d’une grande ville n’a pas les mêmes problématiques que celui d’une petite ville ou d’un village. Dans une petite collectivité, le maire c’est, en plus de l’assistante sociale qui doit gérer les petits bobos de la société, celui qui doit régler les problèmes de voisinage, de bruit, de feux, de dépôts sauvages, etc...
Être maire en 2023 dans une petite ville ou un village, c’est le soir à 21 heures ou plus, accepter de se déplacer pour récupérer des chiens errants ou des chevaux en liberté, y compris le week-end. Les administrés appellent la gendarmerie ou les pompiers qui à leur tour appellent le maire et vous transfèrent le problème à traiter.
Être maire en 2023 dans une petite ville ou un village c’est aussi une vocation, celle d’être au service des autres ; mais cela peut épuiser. Combien de fois, mes administrés me disent-ils : « Je ne voudrais pas être à votre place » ; ce qui n’empêche pas que certains pensent que vous devez être là tout le temps et régler tous leurs problèmes, même quand ce n’est pas de votre compétence. Dans notre département et ailleurs, il est compréhensible que certains jettent l’éponge.
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Vous avez été réélu maire en 2020, qu’est-ce qui vous a donné envie d’y « retourner » ?
C’est souvent l’envie de terminer quelque chose qui pousse à se présenter de nouveau. Combien d’anciens maires me disent-ils : « Michel, deux mandats c’est bien pour faire ce qu’on a proposé aux habitants ». En effet, le temps administratif n’est pas le temps ordinaire. Il oblige à composer avec toutes les contraintes administratives, et plus les projets sont importants, plus ils impliquent d’instances et inéluctablement plus ils prennent de temps ; et puis les financements à trouver... Le temps encore d’apprendre à connaître les administrés et leurs envies qui se font jour durant le mandat.
Et puis le premier mandat, c’est aussi un temps de formation. Même si être maire n’est pas un métier, il y a des choses à apprendre, des schémas de fonctionnements à comprendre ; quelques fois des formations à faire. Les Unions d’Amicales des Maires sont des sources de connaissances et de transmissions de savoirs. Le contact avec les autres maires, l’entraide entre collectivités sont également importants.
Enfin, il serait dommage, une fois « formé », de ne pas proposer cette expérience et les compétences acquises à la population en s’impliquant dans un nouveau mandat. Il faut avoir le courage de savoir reconnaître sans crainte si on a fait ou non du bon travail avec nos équipes ; notre bilan est bon : nous restons ; notre bilan est mauvais : nous virons. Un peu comme l’entraîneur d’une équipe sportive, nous ne sommes pas coupables de tout, mais nous sommes le responsable.
Quel sont les grands projets de votre territoire ?
Certains d’entre eux ont été réalisés : maison de santé pluridisciplinaire, pôle enfance, réfection du stade de sport et vestiaires aux normes, résidence seniors « Ages et Vie ».
Il nous reste le projet d’une nouvelle école maternelle plus économique et écologique, mais ce sera compliqué sur ce mandat car il faut trop souvent composer avec l’héritage de mauvaises surprises et les travaux nécessaires voire indispensables qui en découlent et que l’on ne découvre qu’une fois élu.
Quelles sont les attentes formulées par vos administrés ?
Elles sont souvent diverses avec en priorités : faire ce que j’ai envie de faire même si c’est interdit, mais surtout ne pas augmenter la pression fiscale. Il est fréquent de devoir passer par le tribunal administratif pour contester, ici un refus de permis de construire, là au tribunal de grande instance pour une construction illégale ou de répondre au tribunal administratif sur la requête d’un élu ou d’un administré qui conteste. La judiciarisation est en route.
Après l’épisode de COVID, les gens semblent plus agressifs ; ils ne supportent plus rien comme si tout leur était dû. L’intérêt général n’est plus, pour une partie d’entre eux, la priorité. Le monde devient individualiste et une partie de nos administrés également. Les associations qui tissaient du lien social, du vivre ensemble sont vieillissantes et certaines ne survivront pas à la nouvelle génération.
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« L’avenir sera ce que nous en ferons. »
Le monde d’après, vous y croyez ? Il aurait quelle tête ?
Un pessimiste est un optimiste qui a de l’expérience, m’a-t-on un jour dit. Je ne sais pas si je dois croire au monde d’après mais je trouve la perspective de ce monde d’après peu rassurante. L’avenir sera ce que nous en ferons, dit-on.
Mais avons-nous encore les moyens de sortir de certains carcans dans lesquels nous nous sommes enfermés ?
Le monde d’après, ce devrait être une plus grande autonomie des collectivités, une justice qui punit réellement et sévèrement quand c’est nécessaire, une école qui transmet le savoir, une souveraineté en matière énergétique, une politique de santé qui permette à tous d’avoir accès à des soins de qualité, et une réindustrialisation de notre pays. Notre département a vu partir des grandes entreprises et il est normal qu’un territoire qui n’offre pas ou peu de travail voit sa population diminuer et vieillir.
D’un point de vue politique, il faudrait reprendre l’ambitieuse « stratégie de Lisbonne » de 2000 qui a échoué.
La question de savoir si j’y crois ?
Je n’y crois plus beaucoup ; il faudra sans cesse panser les « bobos » de notre belle République tant qu’on ne reprendra pas les choses dans l’ordre. Il faut me semble-t-il simplifier les choses, les lois, l’administratif, la justice sans parler d’une immigration choisie plutôt que subie ; tout un programme politique.
Concernant la tête qu’aurait le monde d’après : la tête des mauvais jours en espérant mieux le lendemain.
Si l’on vous remettait une baguette magique, quels seraient vos souhaits ?
Mes souhaits seraient trop nombreux pour une seule baguette magique.
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